Les abords d’une bastide exigent la plus grande attention. Il faut à la fois soigner les effets, respecter le style, tout en apportant si possible une touche d’intemporalité. C’est exactement ce que Yoran Morvant et Nicolas Moingeon ont réussi à créer pour cette sublime demeure de Trets. Offrir un jardin à la hauteur du cadre.
Il ne faut pas croire qu’il soit toujours facile d’aménager de grands espaces, bien au contraire ! Même si les jardins de ville ont leurs propres contraintes, les vastes espaces attenants aux mas et bastides centenaires ont aussi leur lot de difficultés. Harmoniser l’ensemble, remplir raisonnablement, aménager avec sobriété et surtout ne pas trop charger… Heureusement que le talent des paysagistes est là pour aider les propriétaires, et quelle a été leur chance pour cette belle bastide de rencontrer Yoran et Nicolas de Réflexion Paysage qui ont rapidement posé les jalons de ce projet titanesque. Il aura fallu réétudier les plans de circulation, délimiter les espaces, en créer de nouveaux et le tout en parfaite harmonie. C’est avec beaucoup de talent et d’inspiration qu’ils ont réussi, en partenariat avec le paysagiste Accent du Sud, à relever le défi, pour le plus grand plaisir de nos yeux admiratifs.
Quel a été votre premier ressenti lorsque vous avez découvert ce chantier ? Quel était le postulat de base ? Quelle projection en avez-vous faite ?
Le jardin aménagé représente le cœur de la propriété qui se développe sur plusieurs hectares. Faisant face à la maison et aux pièces à vivre, il fallait le traiter avec soin en proposant un lieu de vie à la fois fonctionnel contemporain, tel que le voulaient ses propriétaires.
Le terrain, plat, repose sur une restanque surélevée par rapport au reste du terrain. Nous avons souhaité créer un jardin d’inspiration contemporaine sous influence méditerranéenne. L’idée force a été d’imaginer un jardin ouvert sur le terrain alentour, notamment sur la pinède bordant la propriété, et sur différentes ambiances et divers éléments décoratifs qu’il est possible d’embrasser en un seul coup d’œil de l’intérieur de la maison et la terrasse extérieure.
Le jardin s’organise autour de « plans visuels » suivant une perspective linéaire, créant ainsi une succession de scènes. L’espace s’ouvre sur une pelouse centrale sur laquelle trône un olivier centenaire. Celui-ci oriente la vue vers la piscine qui est orientée par un mur d’eau. En arrière-plan se développe un paysage du Sud, avec un champ de lavandes et des cyprès florentins positionnés de façon informelle. La pinède, au lointain, referme l’espace.
Afin de renforce la fonctionnalité du jardin, nous avons créé un espace détente ombragé formé d’une terrasse en bois surélevée et d’une grande voile soutenue par quatre poteaux en Inox. La végétation utilisée est très condensée et graphique afin d’apporter une touche contemporaine et d’offrir une ambiance assez légère et colorée. L’aspect central est traité par une végétation basse de types vivaces et graminées, qui devient plus haute en périphérie par l’utilisation de petits arbres, arbustes ou vivaces hautes.
La transition entre l’espace piscine et le jardin se fait par une bande de galets gris de la Durance dans laquelle serpentent des vagues de graminées et de vivaces au feuillages et coloris contrastés, telles que stipa tenuifolia, imperata « Red Baron », ophipogon « Niger », tulbaghia, carex …
Nous avons mené un travail poussé sur les matériaux afin que les revêtements de sols et les maçonneries s’harmonisent de la meilleure façon possible. Les tons employés sont volontairement clairs et semblables (beige, gris, blanc), notamment afin de trancher avec la végétation.
Les murs en pierres côtoient le bois de la plage piscine (ipé) et du coin détente (bambous), les chemins sont traités en pas japonais formés de dalles en béton blanc coulé sur place, le pourtour de la piscine est partiellement agrémenté d’un lit de galets gris…
A quelles contraintes avez-vous dû faire face ?
La contrainte principale a été la maison de style classique par son aspect bastide et sa façade rosée. Il a fallu imaginer un jardin ne créant pas de rupture brutale entre une maison traditionnelle et un jardin contemporain. Nous avons résolu cet état de fait en créant une scène transitoire, en positionnant la pelouse et l’olivier entre la maison et la partie la plus contemporaine du jardin.
Avez-vous eu carte blanche pour réaliser ce jardin ?
En quelque sorte oui car le cahier des charges était très léger, à savoir implanter une piscine et un olivier centenaire, privilégier un jardin dans l’air du temps, prévoir un espace engazonné de taille respectable. Cette situation nous a permis de laisser libre cours à notre imagination, ce que nous apprécions forcément !
Quels types de plantes et d’essences avez-vous choisis pour la mise en scène de l’espace ?
Nous avons opté pour une végétation très contrastée et graphique afin d’apporter une touche contemporaine et d’offrir une ambiance assez légère et colorée. Nous avons voulu également une atmosphère assez naturelle par le choix de plantes diverses par leurs formes, leurs coloris et leurs textures, mais qui grâce à leur combinaison et leur association créent une unité d’ensemble dans le jardin.
Nous pouvons dire que le jardin est composé de deux ambiances végétales différentes se mariant parfaitement : une ambiance légère et moderne en bordure de la piscine et du coin détente par des vagues de graminées et de vivaces telles que les stipa tenuifolia (dorée), imperata « Red Baron » (rouge/vert), gaura lindheimeri (blanc/rosé), pennisetum villosum (doré/blanc), ophiopogon « Niger » (noir), tulbagia violacea (mauve), terovskia « Blue Spire » (bleu)…
Une ambiance plus traditionnelle en bordure de la restanque et en fond de jardin par un mélange varié de petits arbres, arbustes et vivaces tels que des rosiers, buis boules, lavandes, bambous sacrés, oenothères roses, buddleia, figuier …
Quel entretien demande ce jardin ?
L’entretien est assez limité. Nous avons prévu des végétaux adaptés au climat local, peu consommateurs d’eau, ne nécessitant pour certains qu’une légère taille par an. Un paillage recouvre l’ensemble des massifs plantés afin de limiter l’apport en eau et la pousse de mauvaises herbes. Des réseaux de goutte-à-goutte et d’arroseurs commandés par un programmateur permettent ainsi de n’apporte que le volume d’eau dont les plantes ont besoin.
Quel conseil donneriez-vous à tous ceux qui ont le projet de réhabiliter leur jardin ?
Il faut donner du sens au projet d’aménagement et s’imprégner au maximum du lieu par son observation, la compréhension de ses particularités, la lecture de son contexte afin de comprendre son fonctionnement et révéler ses atouts et ses contraintes.
Nous sommes attachés à ce que la réhabilitation ne bouscule pas le site mais le traite plutôt avec soin par des interventions esthétiques, sobres, pérennes, sans artifices, selon une trame selon laquelle « maison-jardin-paysage » sont en étroite relation.
Enfin le ciblage des besoin est vraiment important afin d’éviter tous les travaux inutiles et risquant de dénaturer le jardin.